Comment trouver une tonalité ?

Bien qu’il soit un bon parolier, cet artiste connaît-il sur le bout des doigts chaque terme grammatical de la langue française ?

Dans la phrase ci-dessus, la proposition « Bien qu’il soit un bon parolier » est une subordonnée circonstancielle concessive (ha ha, ça vous épate..).

Ok, c’est super, mais quelle sera la réaction du parolier si je viens lui dire :
– j’adore ce que vous faites, surtout quand vous utilisez des propositions subordonnées circonstancielles concessives dans vos chansons ! c’est vachement bien vu !

Ne va-t-il pas rire doucement, et rétorquer qu’il n’a pas franchement idée de ce que c’est, mais qu’en revanche les mots et les phrases se posent naturellement sur le papier, au gré de l’inspiration ?
Faut voir.

Au risque de passer pour un méchant rebelle (à la Mister Bark), je ne me pose pas vraiment de questions quand je fais de la musique. Je place mes notes : si j’aime je garde, si je n’aime pas, je jette.
Du vocabulaire, il en faut c’est indéniable, ne serait-ce que pour enseigner la musique (un accord, une portée, une levée), mais dans les manuels on trouve tellement de mots savants pour expliquer des choses simples que je me demande si ce n’est pas exagéré.

Ci-dessous, un petit exercice pour ceux qui le souhaitent (il m’est venu en écrivant le post sur Vladimir Cosma).

Le premier accord est un do majeur. Qui peut me dire dans quelle tonalité est la musique ? Pour moi la réponse est évidente, mais je ne saurai pas vraiment dire pourquoi. Je le sais comme on sait que le rouge est rouge, et que le froid est froid :

https://youtube.com/watch?v=TKwo-ZiViQo%26hl%3Dfr_FR%26fs%3D1%26

N’hésitez pas à donner vos explications dans les commentaires. Comment êtes vous parvenu à connaître la tonalité de cet extrait ?

17 réflexions sur “Comment trouver une tonalité ?”

  1. Salut Mathieu !Le mixolydien, c’est pas le truc qui rend les lapins malades ? (hi hi).
    Nan sérieux, je ne crois pas que le début soit du mixolydien à cause de la note "la bémol" qu’on entend dans la mélodie. En Mixolydien, on aurait un "la bécarre" (do ré mi fa sol la sib do), ce qui donnerait une couleur plus rock-and-roll.
    Mais revenons à ma question, ce que je demande est simple, très simple (pas besoin de sortir des mots compliqués). Je veux juste que vous me donniez la tonalité (pas de mode ou quoi que ce soit). Juste la tonalité de la chanson. Si vous préférez, quelle est l’armature (est-ce du si majeur ? du ré mineur? etc). Et surtout, comment avez-vous fait pour trouver ?

  2. Je pense que l’extrait est en Fa mineur.
    la mélodie et les harmonies qui la ponctuent permettent de le déduire sans forcement passer par la notation. Il suffit de jouer ou chanter la mélodie et de sentir quel en est la tonique. Il faut se fier à son oreille.

    (pour une approche plus théorique: l’accord de Do est donc ressenti comme le Ve degré de Fa mineur. c’est le contexte global qui aide à entendre ça).

  3. Exact ! Trukmachin, tu as parfaitement trouvé les mots qui me manquaient pour expliquer ce que je pense !!! Le fa mineur devient limpide dès lors où il apparaît (au bout de quelques secondes) : la voilà la tonalité. Comme tu le dis, c’est du domaine du ressenti et du contexte. Ensuite, on va effectivement commencer à compter les degrés, ou tout du moins faire des comparaisons si on ne connais pas bien les termes. Par exemple, je peux dire que l’enchainement Do majeur Fa mineur sonne comme un enchainement Mi majeur La mineur, plus parlant pour quelqu’un qui pianoterait essentiellement sur les touches blanches du clavier et qui jouerait souvent en tonalité de La mineur (ou Do majeur, son relatif).

  4. Oui. On ressent bien l’accord de Do comme une dominante et si on ne gardait que les deux premier accords on pourrait facilement trouver ça conclusif à cause de la cadence parfaite.
    Après au départ c’est surtout une question de feeling je pense… mais c’est toujours intéressant d’y arriver de différent moyen !

  5. Trop bon ce morceau 🙂
    J’aurai dit Do à l’oreille… mais c’est que de l’oreille 😉
    Merci de nous faire partager ce morceau mythique de la composition Française. 😀

  6. Salut (premier post sur ce super blog ultra instructif, merci pour tout Tanguy :)) !

    Super initiative cet exercice.
    Perso pour trouver d’oreille, je me penche sur la mélodie généralement, je la chante (ou joue), et j’essaye de trouver une note "neutre", qui n’attire aucune autre, et qui sonne conclusive.
    Si c’est à l’écrit uniquement je trouve que regarder du côté de l’harmonie est p-e plus direct (mais "moins musical") (Armure 😉 Cadence, Degré etc…)

  7. Comme Ben c’est mon premier post, donc Bonjour à tous 🙂

    Perso je lui trouve une couleur modale a ce morceau. En fait la mélodie avec ces demi-tons me frappe plus que l’harmonie sous-jacente. Et si les accords n’était qu’un effet secondaire. Imaginons qu’on les enlève est-ce que le Fa mineur serait toujours aussi évident ?
    Bon désolé si j’ai l’air hors sujet 🙂

  8. C’est du mineur harmonique j’ai l’impression. je pense que la tonalité restera claire si tu enlèves l’harmonie, surtout qu’il me semble qu’il n’y a aucune ornementations chromatiques, la tonalité reste clair du début à la fin. L’harmonie peut sous-entendre tellement de chose que parfois c’est difficile de savoir si on reste dans la tonalité (à mes oreilles en tout cas)

  9. C’est vrai que la basses aide pour beaucoup ! En ce qui concerne les modes, oui peut-être, j’avoue que je ne m’y connais pas assez dans le domaine. Mais d’après l’article que j’ai lu dans Wikipedia, il peut y avoir plusieurs modes dans une même tonalité. Et donc, je dirais qu’il y a bien une tonalité dans ce morceau et que c’est du Fa mineur, non ? (en fait, il y en a même deux car le morceau change de ton à la fin). Maintenant, quand on ré-écoute le début de la musique, il y a un déclic lorsque la basse passe du do au fa. C’est "conclusif", c’est stable. Et le but de mon billet, c’est de montrer que ce genre de chose se ressent, que l’on ait fait des études musicales ou non. Par la même occasion, cet exemple montre aussi qu’une musique ne commence pas forcément par l’accord principal de sa tonalité, même si c’est souvent le cas. On aurait tendance à dire "une chanson en La mineur commence par un accord de La mineur", mais ce n’est pas toujours le cas 😉

  10. Ce n’est pas une question de feeling mais effectivement d’analyse. L’analyse des accords et des cadences permet d’être sûr de soi.

    La majeure partie des morceaux fonctionnent sur la base d’une cadence V-I (cadence parfaite) préparée par IV ou II, voire VI, ou plus rarement d’une cadence IV – I (cadence plagale). Il faut toujours raisonner en terme de cadence V-I pour trouver une tonalité.

    En l’occurence ton morceau au début est en Fa mineur c’est une certitude absolue. Au début tu as en fait deux mesures correspondant au chiffre V (Do majeur) puis deux mesures correspondant au chiffre I (Fa mineur). On est en Fa mineur tout simplement parce que tu as toutes les altération de Fa mineur à la mélodie … et que l’accord V contient un mi bécarre, qui est la sensible de fa mineur. La présence des altérations de fa mineur (Si mi la ré) et du mi bécarre sur l’accord V rend impossible une analyse en do majeur ou do mineur (ce qui aboutirait à une cadence IV-I, moins courante): c’est incompatible.

    Et pour répondre à Ben, tu as toutes les formes de mineur dans ce morceau. Les cadences sont en mineur harmonique, les mélodies en mineur mélodique. C’est souvent comme cela de toute manière.

    Enfin il y a une modulation à la fin. Donc ton morceau n’est pas entièrement en fa mineur.

  11. Petite précision: quand j’écris que les deux premières mesures sont en do majeur et les deux autres en fa mineur, c’est parce que j’utilise ici le langage anglo-saxon pour bien faire comprendre la nature des accords. Cela ne veut pas dire que la première mesure est en do majeur, ce qui est faux à mon sens.

    En langage anglo-saxon ce serait donc C / Fm
    En langage classique ce serait V 5 / I 5 (dans la tonalité de Fa mineur donc)

    NB: au fait tu as fait le pari de placer absolument le nom de Mr Bark – qui est évidemment le modèle à ne pas suivre? LOOOL

  12. Alors j’avoue que le titre de ce billet a piqué ma curiosité, moi qui en ce moment suis en pleine période de repiquage de partitions… (je sais, c’est pô bien, mais les partoches ça coûte cher et l’oreille c’est gratuit, alors quand on est une pôôôvre lycéenne sans ressources et qu’on veut juste s’amuser un peu avec des instruments…)
    Je lis "devinez la tonalité", chouette, je me précipite, une demi-seconde plus tard je conclus victorieusement à du fa mineur… et là je vois qu’il faut que j’explique comment j’y suis parvenue.
    Eh bien bonne question !
    Pour ce qui me concerne, et malgré mes dix ans de conservatoire, c’est clairement du feeling, de l’oreille : je "sens" que la tonique est fa, je sens le morceau en mineur. C’est automatique et quasi-instantané. Ceci dit, je me souviens que dans mes premières années de solfège, j’avais besoin d’imaginer une sorte de conclusion si l’extrait n’en contenait pas pour identifier la tonalité ; avec le temps c’est devenu plus rapide et surtout inconscient. Mais le principe reste le même, je pense.
    Je n’ai pas besoin de passer par l’analyse purement théorique pour déterminer une tonalité ; mais l’analyse telle qu’elle est enseignée n’est-elle pas finalement qu’une modélisation de ce que l’oreille perçoit, qui tient compte des lois physiques de l’acoustique ainsi que de l’environnement culturel ?
    D’ailleurs, analyser une phrase musicale façon conservatoire n’est possible que si on a identifié la tonalité au préalable ; si on n’y parvient pas, on peut toujours tenter de les essayer les unes après les autres et de chercher celle qui ne bouscule aucune règle d’harmonie ; théoriquement, il ne devrait y en avoir qu’une seule. Mais c’est long, fastidieux et contre-productif, puisque la musique en tant qu’art a précédé la musique en tant que science : mon cours d’harmonie couplé de mon cours de physique me permettent d’expliquer pourquoi tel accord "sonne" ou non, mais j’ai constaté qu’il "sonnait" ou non avant de savoir pourquoi.
    J’arrête là mon post qui ne doit pas être tout à fait limpide, et je retourne à Morricone ;o) (au fait, si quelqu’un sait comment réduire pour piano de façon efficace, réaliste et crédible le grand crescendo de l’orchestre dans le Love Thème de Cinema Paradiso, c’est à dire lorsque le violon cesse de jouer pour laisser place à l’orchestre seul, je suis preneuse, c’est un vrai casse-tête et comme je ne suis pas pianiste, j’ai peur d’écrire des choses impossibles à jouer… à tout hasard, je bosse sur la version de Itzhak Perlman)

  13. Bonjour à tous, pour moi c’est très simple, j’improvise. Je vois ensuite en quoi j’improvise, et tadam je tombe sur du fa mineur. Je sors pourtant d’une licence de musicologie, malgré ça je préfère ma bonne vieille méthode.
    PS : je fais de la guitare manouchka.

  14. Vous m’allumez bande d’erudit,j’adore cette page et votre vulgarisation.J’ai 50 ans bien sonné je retourne a l’université ,je réétudie l’harmonie ,je me sens revenir a niveau ,j’ai hate d’ajouter mon grain de sel a vos conversations.Sans reflechir comme ca je pensais que la melodie se promenait en myxolydien mais apres avoir lu vos commentaires et tapoté ma guitare je vois le fa mineur.En plus la melodie commence sur un sol diese .Evidemment je manque de pratique et vous etes tous tres motivant.Quelles belles discussions.Ok je retourne a mes livres en me decrottant le nez.

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